Communiqué du Conseil National Professionnel des Infirmier(e)s Anesthésistes (CNP IA), du Syndicat National des Infirmier(e)s Anesthésistes (SNIA), du Conseil National Professionnel d’Anesthésie Réanimation et Médecine Péri Opératoire (CNP ARMPO) et de la Société Française d’Anesthésie réanimation (SFAR).
Alors que la France connaît un violent rebond de l'épidémie de Covid-19, avec une augmentation du nombre des admissions en réanimation, la création de novo d’unités de soins critiques est de nouveau une réalité pour les établissements de santé. Au delà des locaux et des matériels indispensables (respirateurs, équipements, etc.), les ressources paramédicales compétentes en réanimation constituent, aujourd’hui plus encore qu’au printemps, la principale limite à l’ouverture de ces nouveaux et indispensables lits de réanimation.
Lors de la première vague, la déprogrammation massive des activités opératoires avait permis d’affecter dans les unités de soins critiques (permanentes et éphémères) des professionnels, anesthésistes-réanimateurs et infirmiers anesthésistes (IADE), disposant d’un socle de compétences en réanimation. Le rôle des IADE a été notable. En effet, si les IADE exercent principalement en secteur d’anesthésie, leur cursus et leur formation spécialisée leur permettent d’être très rapidement opérationnels au sein de structures de soins critiques qu’ils ou elles ne fréquentent pas habituellement.
De fait, leur adaptabilité est plus facile et rapide que celle des IDE de bloc opératoire et/ou de soins généraux qui requièrent un temps de formation beaucoup plus long. Deux enquêtes, conduites à l’issue de la première vague (enquête SNIA, enquête comité IADE SFAR) confirment l’engagement important des IADE dans les unités de soins critiques aux côtés des IDE de réanimation et travaillant sous la responsabilité des anesthésistes réanimateurs et des intensivistes. Ainsi, au printemps, près de 2300 IADE ont participé à l’ouverture de plus de 4000 lits supplémentaires de réanimation et ils représentent près de 30% des auxiliaires médicaux venus en renfort (enquête French ICU).
L’implication IADE a été particulièrement importante dans les activités de formation des nouveaux professionnels (du fait de leur implication fréquente dans les Centres d’Enseignement en Soins d’Urgence (CESU), mais également dans la mise en place des réanimations éphémères et des protocoles de soins. Ils ont déployé leur expertise au sein des équipes soignantes dans les domaines de la gestion des voies aériennes, des abords vasculaires, de la ventilation mécanique, de la sédation-analgésie et de la curarisation. Ils ont été largement impliqués dans le transport intra hospitalier mais également extra hospitalier de patients de réanimation COVID et non-COVID. Ils se sont investis au sein de leur établissement et de nombreux IADE, notamment issus du secteur privé, sont intervenus en renfort d’autres équipes que ce soit dans des centres hospitaliers de leur territoire ou dans ceux des régions les plus affectées.
Actuellement, dans les territoires les plus touchés par la seconde vague, une déprogrammation opératoire ajustée à la pression épidémique a débuté, permettant le renforcement des soins critiques par des anesthésistes réanimateurs et des IADE. Cela est d’autant plus nécessaire que, à la différence de ce qui avait été observé au printemps, de très nombreux patients non-COVID sont présents en réanimation aux côtés de patients COVID. Par ailleurs, chacun perçoit combien cette nouvelle mobilisation des soignants s’effectue dans des conditions de tensions et de fatigue bien supérieures à celles de la première vague. La pénurie en personnels soignants, loin de se corriger lors de la trêve estivale, s’est encore accentuée et touche la plupart des établissements de santé publics et privés.
C’est pourquoi, le Conseil National Professionnel des Infirmier(e)s Anesthésistes (CNP IA), le Syndicat National des Infirmier(e)s Anesthésistes (SNIA) en lien avec le Conseil National Professionnel d’Anesthésie Réanimation et Médecine Péri Opératoire (CNP ARMPO) et la Société Française d’Anesthésie réanimation (SFAR) souhaitent qu’une attention particulière soit portée sur les conditions de redéploiement des IADE vers les unités de soins critiques. Il est indispensable que soient garanties par les établissements des conditions de travail propres à faciliter l'exercice des professionnels. Ceci suppose :
- D’assurer des conditions d’accueil et d’insertion personnalisées au sein des équipes de soins critiques.
- D’offrir systématiquement avant l’intégration en soins critiques un accompagnement de type « information » portant en particulier sur les appareillages spécifiques de réanimation éventuellement via des MOOC (SFAR et SRLF) ainsi qu’une formation aux outils informatiques spécifiques des unités de réanimation dans lesquelles ils interviendront.
- De mettre à disposition des procédures validées conjointement par la SFAR et la SRLF.
- De bien définir les plans de déploiement des soins critiques au sein de l’établissement et la place de l’IADE.
- De veiller, au sein des unités de soins critiques, à s’appuyer sur les compétences spécifiques des IADE.
- De constituer les équipes soignantes mixtes selon les principes du Guide d’aide à la mise en place et à la gestion d’une « réanimation éphémère » coordonné par le CNP ARMPO (https://sfar.org/guide-daide-a-la-mise-en-place-et-a-la-gestion-dune-reanimation-ephemere/) tout en tenant compte des compétences de chacune des professions.
- De panacher les périodes de travail dans les unités de soins critiques avec des périodes de retour à l’activité d’origine (surtout si la crise est prolongée).
- Que l’établissement reste particulièrement attentif aux répercussions que les changements d’horaires de travail auront sur la vie personnelle et familiale des IADE et étudiants (conciergeries, modalités de garde d’enfants, etc.).
- De prendre en compte avant leur mobilisation la problématique bien particulière des IADE du secteur privé qui doit être absolument sécurisée pour éviter les difficultés identifiées lors de la première vague (statut, contrats, prime COVID, etc.) et favoriser la mobilisation.
- De garantir aux étudiants IADE la qualité de leur formation en sécurisant la continuité des enseignements et des apprentissages et ce malgré leur éventuelle mobilisation dans le renfort des unités COVID.
La spécialité d’anesthésie réanimation toute entière a été un des maillons majeur dans la prise en charge des patients de soins critiques lors de la première vague COVID-19 aux côtés des intensivistes et des IDE de réanimation. Elle a donné à notre système de santé l’élasticité dont il avait besoin pour affronter cette crise sanitaire majeure. Elle s’engage à nouveau avec détermination dans le nouvel épisode qui s’ouvre.
Cependant, elle demande expressément qu’il soit tiré tous les enseignements du printemps pour optimiser le management des équipes lors de cette nouvelle mobilisation (cf. supra). Celle-ci réussira pleinement à la condition que les établissements manifestent une vraie considération et un appui sans réserve aux soignants engagés à nouveau dans un dur et long combat.
Entrons dans le monde « d’après » !